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Jeux Olympiques

A la recherche du temps perdu

Entretien avec Eddy Desmet (COIB)


Le basket féminin belge aux jeux Olympiques, entre rêve et réalité... Le Comité Olympique et Interfédéral belge (COIB) apporte pour l'instant son soutien. Heureusement d'ailleurs qu'Eddy Desmet se montre têtu et qu'aucun autre sport collectif n'a encore réussi à combler le vide laissé depuis 30 ans aux jeux Olympiques. L'entretien avec le directeur du sport de haut niveau au COIB est instructif, l'autopsie de notre basket féminin aussi...



Eddy Desmet (photo:www.olympic.be)
Eddy Desmet (photo:www.olympic.be)
Le chemin qui mène vers les jeux Olympiques est long, très long, semé d’embûches et embouteillé au fur et à mesure que se rapproche l’échéance de Pékin 2008. Le basket féminin rassemblera comme à Athènes il y a quatre ans, 12 pays. Seul le meilleur du monde, à l’instar de l’Espagne de Pau Gasol chez les messieurs, aura déjà son billet pour la Chine. Et à cœur vaillant, rien d’impossible. La Russie, qui a terrassé les Etats-Unis en demi-finale, en est la preuve, elle qui jouera la finale face à l’Australie.

Première étape sur la route aux cinq anneaux: l’Euro-2007. Une fois qualifié pour ce championnat d’Europe, 4 ans après l’Euro grec à Patras en 2003 qui saluait le retour de la Belgique féminine dans une phase finale après 18 ans d’absence et une 12e place en 1985, il faudra se situer parmi les 5 premiers pour poursuivre son périple. Le champion d’Europe – comme les cinq champions continentaux – sera aux jeux. Les autres – c’est-à-dire les nations classées 2e, 3e, 4e et 5e – voire 6e si le champion du monde est russe – auront juste le droit de participer au tournoi pré-olympique. Autant dire que cet événement dont le lieu d’organisation doit encore être déterminé ressemblera à une véritable loterie pour désigner les 6 pays qui complèteront le tableau final olympique à Pékin.

Quel avenir pour les Espoirs belges ?

Les Espoirs au Mondial U21 (Fibaeurope/Viktor Rebay)
Les Espoirs au Mondial U21 (Fibaeurope/Viktor Rebay)
Sur le plan belge, "jusqu’ici tout va bien". Tant que l’équipe féminine belge est en course pour une qualification, elle sera soutenue par le Comité Olympique et Interfédéral belge. Le COIB rêve de retrouver un sport collectif aux JO, 32 ans après l’épopée du hockey sur gazon masculin à Montréal en 1976. Ils sont quatre sports collectifs à briguer le soutien des instances olympiques. Le basket féminin donc, le hockey sur gazon messieurs, le plus avancé dans ses structures et son niveau, le volley féminin qui participera à l’Euro-2007 (à Charleroi et à Hasselt), le football des moins de 21 ans, qualifié aussi pour la phase finale de l’Euro-2007 aux Pays-Bas. Le COIB garde aussi un œil attentif sur le volley masculin qui, pour la première fois depuis 20 ans, s’est qualifié pour l’Euro-2007. Tant chez les messieurs que chez les dames en volley, les moins de 20 ans sont à l’Euro (8e chez les juniores et dans le top 12 chez les juniors). Côté basket féminin, il y a bien sûr cette historique qualification des Espoirs d’Arvid Diels pour le championnat du monde des moins de 21 ans l’été prochain en Russie. Mais, il ne faut pas se leurrer, cette page de l’histoire belge en matière de basket est l’arbre qui cache la forêt, car en matière de politique de jeunes et de vision à long terme, c’est la zizanie qui prévaut.

Le degré d'exigence indispensable

Benny Mertens (FibaEurope.com)
Benny Mertens (FibaEurope.com)
L’arrivée du coach français de Valenciennes-Olympic, Laurent Buffard aura introduit dans le giron du basket féminin l’un des degrés d’exigence qui lui manquait. L’aveu du BNT dames de rejoindre les 12 formations appelées à se disputer le titre olympique aura eu comme effet aussi de mettre une loupe sur le projet de l’équipe nationale. Plus question désormais de présenter un sport mineur que l’on ferait découvrir pour la première fois au grand public. Chaque détail désormais compte. Un article du quotidien néerlandophone De Morgen signé Valérie Hardie paru samedi 9 septembre intitulé De ene Belgian Cat is de andere niet (téléchargeable en bas de la page) a quelque peu ébranlé la politique prévalant jusqu’alors du "Vivons heureux, vivons caché" pratiqué couramment en basket féminin et pas seulement pour ce qui concerne l’équipe nationale… Brisant le tabou de ce que coûte le projet des Belgian Cats, les dirigeants sont désormais placés devant leur réalité.

Parler du projet « Basket féminin » avec Eddy Desmet, directeur du sport de haut niveau au Comité Olympique et Interfédéral Belge, passe inévitablement par quelques yeux levés au ciel. Car l’exigence du niveau olympique dépasse de très loin tout ce que l’on a pu constater jusqu’ici dans les structures du basket féminin. I["Cela fait longtemps que nous évoquions l’idée de pousser le basket féminin sur le chemin des jeux Olympiques"]i, explique Eddy Desmet pour refaire la genèse d’un projet qui évolue sur un fil du funambule. I["La Belgique féminine avait décroché la médaille de bronze au Festival Olympique de la Jeunesse Européenne à Lisbonne en 1997]i (ndlr : où Ann Wauters y fut MVP). Nous avons proposé un plan pour développer cette génération et soutenir le basket féminin au niveau du COIB. Nous n’avons pas eu de réponses de la fédération. Aucun écho." Il aura fallu en réalité attendre quatre ans et l’année 2001 pour que Benny Mertens apporte l’écho attendu par les bonzes du sport olympique belge. Enfin, le monde du basket féminin se mettait à table pour négocier. Car cette génération de 1997 s’inscrivait dans la lignée de l’équipe nationale cadettes, unique bénéficiaire encore jusqu’ici, d’une médaille belge dans un championnat international: la médaille de bronze en Pologne en 1995. Serge Jacoby avait déjà tout compris emmenant les Boonen, Deyaert, De Mondt dans son sillage, offrant à Ann Wauters, sa toute première joute internationale, déjà couronnée de succès. Euro cadettes 1995 - Là où tout a commencé...

Que s’est-il donc passé pour avoir du attendre quatre ans avant que la fédération n’adhère aux propositions olympiques ? Benny Mertens a assuré la liaison avec au bout du compte une qualification pour l’Euro-2003 en Grèce, la première depuis 20 ans pour le basket féminin. Et – mieux – une historique 6-ème place au championnat d’Europe à Patras. La Belgique, 6e de l’Euro

Une bouffée d’air frais inédite dans le basket féminin belge et de gros espoirs qui retomberont pourtant vulgairement comme un soufflé raté. Au lendemain de cette aventure qui aura eu le don de médiatiser considérablement ce sport rejeté dans les oubliettes de l’attention médiatique, personne n’a cru bon de réagir – une fois encore – au projet 2004-2008 proposé, encore, par le COIB et – encore aussi – par Benny Mertens. Le coach gantois était débarqué sans ménagement de l’équipe nationale et la disette structurelle refaisait surface. Conséquence, une gestion hasardeuse qui bâclait la campagne pour l’Euro-2005. Contraint de disputer les barrages pour éventuellement rejoindre malgré tout la Turquie, les Lionnes fonçaient tout droit vers un échec annoncé qui faisait perdre beaucoup de temps au projet 2008.

Un manque de rebonds qui fait perdre beaucoup de temps

Ann Wauters et Laurent Buffard, la crème européenne
Ann Wauters et Laurent Buffard, la crème européenne
I["Le plus gros problème constaté à l’issue de l’Euro-2003 était l’absence de profondeur du banc de l’équipe nationale]i", analyse Eddy Desmet. "Le cinq de base pouvait tenir la route, mais pour aller plus loin, il fallait impérativement élargir la base. L’idée était de pouvoir proposer aux joueuses belges et aux jeunes l’occasion de s’entraîner beaucoup plus, régulièrement, pour réduire l’écart entre les joueuses belges évoluant sur un rythme pro dans les clubs européens. Le projet était prêt. Il n’a pas été suivi et mis en application", regrette Eddy Desmet nous faisant passer en revue les présentations powerpoint du projet. I["Nous avons eu une réunion pour les exposer et malgré le fait que les partenaires, COIB, Adeps, BLOSO étaient tous prêts, il n’y a pas eu vraiment de debriefing et surtout pas de réactions. Vous savez, cela fait 20 ans que je suis en poste au COIB. Je constate que les moyens financiers sont devenus beaucoup plus importants, mais que la donne s’est d’autant plus compliquée en raison des structures belges. Les administrations sportives ne sont pas les mêmes en Flandres et en Wallonie. Au niveau du basket belge, il faut trouver les personnes compétentes et adéquates pour occuper les … 5 places de président (président de la Fédération, de l’AWBB, de la VBL, du BNT Dames et de la Ligue messieurs)."]i Et les yeux de se lever au ciel. B[Eddy Desmet]b ne l’avouera qu’à demi-mot, mais il n’y a pas d’entente et aucun accord commun au sein des institutions gouvernants notre basket national. Pierre-Olivier Beckers avait été frappé, au moment de faire le bilan de sa première année de présidence à la tête du COIB, par le manque de vision commune des dirigeants belges. Pas de vision commune et surtout pas de vision à long terme ! Le plus bel exemple est l’incroyable gâchis du projet ABCD 2012-2016 dont pourrait pourtant bénéficier le basket féminin belge. I["Mais les ligues ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un projet commun, je n’ai plus eu de nouvelles depuis des mois"]i, regrette encore Eddy Desmet. Il est pourtant grand temps de se remuer. Le hockey sur gazon – masculin et féminin – ainsi que le volley-ball ont déjà quelques années d’avance en matière de structures de jeunes. Au niveau du basket féminin, chaque ligue veut avancer … mais de son côté uniquement. La VBL et le BLOSO développent et encensent leur Topsport (qui a désormais déménagé de Merksem à Louvain) – au point d’en arriver à quelque situation extrême et surréaliste concernant Sofie Hendrickx portée, de façon tout à fait irresponsable, aux nues puis aux gémonies par le lobbying flamand -, l’AWBB et l’Adeps ont tout misé sur le Sport-Etudes de Jambes. Au bout du compte, aucun projet commun ne voit le jour et les formations représentatives nationales jeunes U20, U18 et U16 vivent de bricolage. Aucun coach ou assistant ne sait s’il sera encore en poste la saison prochaine, aucun management national pour assurer les contacts avec les équipes étrangères, pour planifier les stages, pour assurer un suivi sur plusieurs années – à savoir jusqu’en 2012 au moins ! – n’existe.

Et dire que pour la première fois dans l’histoire du basket féminin belge, une formation représentative va représenter la Belgique au Mondial … dans 9 mois à peine. L’accouchement risque d’être très douloureux si l’on ne prend pas soin du bébé ! Eddy Desmet a été sidéré d’apprendre que la gestion des équipes de jeunes étaient confiées aux ligues, séparément. Mais à la question que nous lui posons de savoir si "en tant que partenaire influent soutenant le basket féminin belge, le COIB pourrait imposer dans son cahier de charges l’obligation de garantir une structure verticale au départ des équipes de jeunes jusqu’à l’équipe fanion", son (très) long silence, mâchoire serrée, en disait bien plus qu’un long discours.

Ann Wauters n’est pas éternelle. Mais cela intéresse-t-il vraiment les ligues d’œuvrer pour les équipes nationales ? Rien que la légitimité de la question effraye ! Renversons la question : sans le talent d’Ann Wauters, triple joueuse européenne de l’année et l’une des meilleures joueuses du monde, certains auraient-ils tout simplement essayé de s’intéresser au basket féminin ? Force est de constater aussi que le Sud du pays a abandonné au Nord la gestion de l'équipe nationale.

Comment fonctionnent les Belgian Cats

Belgian Cats, un nom de domaine déposé par la VBL (photo: Maris Noviks)
Belgian Cats, un nom de domaine déposé par la VBL (photo: Maris Noviks)
L’article du De Morgen a retranscrit les vagues générées par la politique du « deux poids-deux mesures » si délicate à gérer dans un sport collectif et mis à jour que la campagne était loin d’être un long fleuve tranquille. On peut y lire que les joueuses ne sont pas traitées de la même manière. B[Ann Wauters]b y bénéficie d’un traitement pécuniaire de faveur. En toute logique. Mais c’est plutôt derrière elle qu’il faut y voir un malaise. Il y est cité, et cela se confirme, des catégories auxquelles appartiennent les joueuses pour déterminer leur rémunération: les joueuses évoluant dans des championnats pro côtés (Italie, Espagne, France), les joueuses évoluant en Belgique ou dans des championnats similaires, les étudiantes. Si l’engagement de Laurent Buffard est pris en charge par le programme du TopSport Coach de la Communauté flamande (plan Anciaux), celui d’Ann Wauters est dans les mains du BLOSO. Sur un budget estimé de 300.000 euros pour cette campagne, l’apport de l’AWBB consisterait en un forfait de 45.000 euros. "Pour le reste, il y a peu de partenaires privés," explique Stefan Garaleas, nouveau venu sur l’échiquier, président du BNT Dames aux côtés de Christian Grandry qui a prévu depuis quelques mois de rendre sa démission à l’issue de cette campagne. I["L’apport est surtout institutionnels et les partenaires privés fonctionnent surtout en échanges commerciaux. Ne nous cachons pas, nous avons perdu un an en devant passer par les barrages pour l’Euro-2005 l’été dernier… sans succès. Il a fallu tout reconstruire et cela demande du temps. Nous fournissons beaucoup d’efforts et dépensons beaucoup d’énergie pour mener le projet à bien. Les rencontres se sont déroulées à Courtrai car la Ville et les cinq clubs que compte Courtrai ont proposé un projet intéressant. Par exemple, l’an dernier à Alost, il y avait peu de monde pour aider à l’organisation des rencontres. Ici, ils sont 50 bénévoles des clubs à s’occuper des entrées, de l’accueil, de la salle. Mais nous devons petit à petit mettre une pierre après l’autre. Ce qui n’est pas facile. Au niveau communication, Sporza nous suit durant toute la campagne. Nous avons essayé avec l’AWBB de pousser l’intérêt du côté de la RTBF."]i

Se qualifier directement samedi

Ne rêvons pas, aucune campagne ne se déroule sans anicroches, il y a tellement de parties à mettre autour de la table, et si le BNT Dames est certes enfin sorti de sa préhistoire, l’écart qui le sépare du fonctionnement des grandes nations européennes s’apparente encore à un gouffre. Or, il est urgent de réduire ce gouffre sur base de l’aveu de l’objectif olympique.

Samedi, la Belgique ira jouer sa toute dernière chance de qualification directe pour l’Euro-2007. Sans cela, il faudra passer par les barrages, ce qui n’était pas prévu. Ajoutant un obstacle supplémentaire sur le long chemin qui vient à peine d’être emprunté. En tout état de cause, le débriefing qui suivra ce déplacement à Kosice sera au moins aussi important, si pas plus, que la campagne elle-même.


Vendredi 22 Septembre 2006